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La nouvelle mode Sénégalaise, entre nomadisme et a...

La nouvelle mode Sénégalaise, entre nomadisme et ancrage culturel.

Il y a quelques semaines, on se bousculait au sein des hôtels de la capitale à l’occasion de la Dakar Fashion Week, grand rendez-vous annuel de l’industrie de la mode sénégalaise. Révéler les stylistes locaux et surtout faire office de pont entre la création au Sénégal et le reste du monde, voilà les mots d’ordre principaux de cet événement qui s’attaque à un enjeu clé pour beaucoup de jeunes créateurs africains, celui de la visibilité. Une initiative louable donc lorsque l’on sait que malgré son dynamisme, la nouvelle génération peine à vivre uniquement de ses créations et à s’émanciper d’un apparent statu quo aussi économique qu’esthétique. Tiraillés entre les attentes du marché local et celles de la scène internationale, le pari serait d’arriver à concevoir une mode africaine à la fois innovante, authentique et rentable.

Comment les nouveaux designers communiquent autour de leur marque et parviennent à faire passer leurs vêtements du podium aux mains des acheteurs ? Nous sommes aller à la rencontre de Mariam Diop, styliste et co-fondatrice de la marque Nomade’s. Après des études de stylisme et de modélisme en France, Mariam Diop fait son grand retour au Sénégal. Dès son arrivée elle se rend compte que Dakar est une plaque tournante importante de la mode africaine. Elle quitte donc Paris pour créer, il y a à peu près 6 ans la marque Nomade’s avec Fatimatou Sarr.

Son approche de la mode sénégalaise, qui se situe entre nomadisme et ancrage culturel, nous a séduit pour la production de campagnes publicitaires. C’est elle qui se cache notamment derrière les silhouettes de notre campagne Teranga pour Orange Business Service. Elle signe également le stylisme de la campagne de digitalisation du service client d’Orange. Son objectif principal lorsqu’elle travaille avec l’agence ? Casser les codes pour permettre la naissance de nouveaux narratifs dans la pub sénégalaise !

Qu’ils soient à l’atelier ou au cœur des plateaux de tournage les jeunes stylistes africains se doivent aujourd’hui de trouver un point d’ancrage sur lequel ils puissent appuyer leur travail. L’esthétique locale comme logique de base ? Pas forcément ! Lorsque l’on demande à Mariam si ses créations sont d’essence sénégalaise elle nous répond que « Justement non ! Le slogan de Nomade’s c’est la liberté d’être soi-même,pour moi c’est une marque internationale à l’image de mon ethnie: Les Toucouleurs qui sont sénégalais, oui, mais pas que… »

Elle ajoute qu’aujourd’hui: « On ne peut pas  forcément parler de mode sénégalaise chez les jeunes designers. Ou alors, sénégalaise mais moderne. Je pense notamment à des créatrices comme l’Artisane qui reprend des éléments de la garde robe peul mais qui leur insuffle une nouvelle attitude, un nouveau style. C’est une mode sénégalaise mais sénégalaise à sa façon ! ».

Une nouvelle mode sénégalaise donc, qui se retrouve dans la logique de ce que devrait être pour elle la nouvelle mode africaine : « Une mode qui s’inspire de la culture ancestrale, des savoirs faire de nos parents, grand parents pour en faire ses fondations puis y apporter son style, sa personnalité et son expérience de vie… Je pense que si on devait se défaire de ses techniques et pratiques ancestrales alors ce ne serait plus de la mode africaine. »

Célébrer cette nouvelle mode là c’était donc l’objectif de la Dakar Fashion Week créée par Adama Paris qui fêtait cette année son seizième anniversaire. Evénement majeur de la mode Sénégalaise depuis l’arrêt de la Semaine Internationale de la Mode à Dakar de la légendaire Oumou Sy, l’événement a rapidement gagné en popularité même si chaque année encore beaucoup de jeunes créateurs semblent manquer à l’appel.

C’est notamment le cas de Mariam : « Non je n’y ai pas participé cette année ni même les autres années même si je l’ai déjà fait deux fois auparavant il y a 6 ou 7 ans. C’était une bonne expérience, on a rencontré plein de monde et de créateurs d’autres pays. Cela m’a apporté une certaine visibilité – je ne vais pas dire à l’internationale, ce n’est pas vrai mais une bonne visibilité auprès des gens qui ne nous connaissaient pas ici au Sénégal. »

C’est sur le plan économique que, selon elle, la Fashion Week laisse un vide, en effet les créateurs n’auraient pas la possibilité d’avoir un accès direct à de potentiels acheteurs. Cela répondrait pourtant au besoin principal des nouveaux venus, souvent intimidés par ce milieu qui fonctionne par le bouche à oreille. Quoiqu’on en dise les opportunités d’affaires et de ventes ne sont jamais offertes sur un plateau.

 

La clé des jeunes marques pour s’en sortir serait donc un gros travail de marketing en arrière plan qui est presque impossible à réaliser pour ceux qui évoluent seuls où ont peu de moyens. Malgré un point de vente au So’Art du Club Olympique et d’autres à Abidjan, à Accra et à Miami, Mariam insiste : “Ce sur quoi on compte beaucoup c’est le travail de mon associée sur les réseaux sociaux ainsi que le bouche à oreille, les ventes privées etc…»

Au delà de ça le plus gros problème des stylistes serait tout simplement de voir leur travail reconnu par la société sénégalaise : « Vivre de ses créations au Sénégal c’est très difficile parce que le travail de designer n’est pas réellement reconnu ici. On a du mal à trouver des financements car on ne nous considère pas comme faisant partie des grands domaines de la culture au même titre que la danse, le cinéma etc… alors que c’est totalement faux : on fait travailler des artisans locaux, on part dans les villages, parle avec les teinturières traditionnelles, on essaye de moderniser les pratiques ancestrales… c’est un réel échange culturel ! »

« Ce qui fait qu’on a du mal à se faire payer ou à vendre au juste prix. En ce qui concerne nos acheteurs sénégalais j’entends souvent des « oui mais c’est cher ! », « oui, mais je peux aller faire faire ça chez mon tailleur ! », ce qui fait un peu mal je ne vais pas mentir. Ils ne voient que les paillettes, les robes, les filles qui défilent…pas tout le travail derrière ! »

Est-ce l’une des raison pour lesquelles Mariam apprécie tout particulièrement son travail au sein de l’agence ? Elle nous confie qu’aujourd’hui beaucoup de boites de communication tendent à négliger le travail du styliste : « Au niveau du stylisme on a tendance à penser qu’on achète juste des vêtements alors que non il faut étudier le projet et rentrer dans la peau du personnage avant de commencer à confectionner. Ce que j’aime chez Caractère c’est qu’ils ne négligent pas ce travail là, on a vraiment l’impression de faire partie intègrante du processus de conception et ça nous fait plaisir !  »

Mais travailler dans la pub a aussi apporté à Mariam des expériences qui se sont avérées essentielles dans le développement de Nomade’s : « Cela me permet de mieux comprendre les idées de stratégies, les tendances, comment ont fidélise la clientèle et s’assurent que le public va être réceptif… Ce sont des choses que je peux mettre en pratique avec ma marque. Quand je fais mes vêtements je comprends mieux le marché et les types vestimentaires qui existent aujourd’hui au Sénégal. En plus on rencontre plein de gens, c’est des projets intéressants parce que l’agence te guide mais te laisse aussi beaucoup de liberté, tout le monde apporte sa propre créativité et c’est un environnement extrêmement stimulant. »

La communication et le secteur publicitaire, alliés de la mode sénégalaise ? Voilà une vision intéressante pour les années à venir qui pourrait peut être permettre aux jeunes créateurs de réaliser leur objectif principal : vivre de leur passion !

 

Crédits Photos – Nomade’s par Siaka Soppo Traoré.

 

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