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Zoom sur Le Biodialaw, un Marché Agricole Bio et M...

Zoom sur Le Biodialaw, un Marché Agricole Bio et Militant.

Si son métier est la publicité,  la valorisation de la terre, l’autonomisation des femmes et la préservation de l’environnement font également partie des passions qui habitent Patricia. Des passions qui se sont matérialisées à Toubab Dialaw par la création d’une ferme agro-écologique, la Ferme Des 4 Chemins et plus récemment par le lancement du Biodalaw, un marché de produits agricoles biologiques ayant rassemblé durant le mois de mars dernier, nombre de passionnés et de curieux autour de l’agro-écologie. Zoom sur une initiative militante qui veut replacer la justice sociale, la production saine et la consommation responsable à l’ordre du jour dans la région côtière.

La première édition du marché bio de Toubab Dialaw a été initiée à la fin du mois de mars dernier. Pourquoi organiser un marché de ce type dans la région de Toubab Dialaw et quels sont les produits et activités auxquels les visiteurs furent exposés ?

« Le marché Biodialaw est une initiative du Collectif Biodialaw composé de consommateurs et de petits producteurs de la région du Dialaw qui ont en commun l’envie de consommer des produits sains, des produits issus de l’agriculture biologique et de promouvoir la consommation de produits locaux.

Cette région du Dialaw qui inclue entre autre Yene, Sindia et Popenguine, compte de nombreux producteurs de légumes et transformateurs de produits méconnus. L’idée était de créer une rencontre, un lien entre les producteurs et les consommateurs d’une alimentation saine et de sensibiliser les populations face aux dangers de la malbouffe pour contribuer à la création d’une économie socialement et écologiquement responsable. »

Quel fût l’accueil des populations pour cette première édition et quelles sont les retombées attendues ?

« Nous avons eu plus de six cents visiteurs pour cette première édition. Cela est très encourageant et également révélateur de l’engouement du public pour cette initiative. Nous espérons qu’elle pourra inspirer d’autres personnes à créer des marchés de produits bio et de produits locaux dans les autres régions, communes, villes, quartiers du Sénégal. »

Le marché s’est tenu à la Ferme des 4 chemins. Quelle est la mission de cette ferme et pourquoi avoir ancré ses activités autour de l’agro-écologie ?

« Le lancement du marché a eu lieu à la Ferme des 4 chemins, lors de sa journée Portes Ouvertes. La ferme qui est également membre du collectif Biodialaw a pour mission de promouvoir les pratiques de l’agro-écologie en accompagnant les populations d’agriculteurs et d’agricultrices. L’agro-écologie est une agriculture sans produits chimiques basée sur la valorisation des processus biologiques. Elle participe à la fertilisation des sols et des plantes grâce à des pratiques d’association et de rotation culturales et à la fabrication de compost. Elle est écologiquement durable, en phase avec les pratiques locales, économiquement viable et socialement responsable. En agro-écologie, on considère les semences comme un patrimoine de l’humanité en défendant la possibilité pour tous les agriculteurs de produire ses propres semences. »

L’agro-écologie est souvent critiquée pour ses processus de rentabilité longs et fastidieux. Est-elle une opportunité pour le Sénégal ?

« L’agro-écologie est une opportunité pour tous les pays, y compris le Sénégal, souhaitant réconcilier les impératifs de productivité et de protection de l’environnement. Sa démarche rigoureuse s’appuie sur des savoirs agronomiques et écologiques. Compte tenu des bouleversements planétaires liés aux  dérèglements climatiques, ces deux notions ne peuvent plus et ne doivent plus être opposées et tous les moyens doivent être mis en œuvre par les gouvernements et les populations pour relever ce défi. »

« Il est un fait et une réalité qu’il est aujourd’hui inconscient et dangereux de minimiser. L’agriculture conventionnelle, intensive telle qu’elle est pratiquée fait partie des activités humaines les plus polluantes de la planète. Elle est responsable de la pollution des sols, de l’air et des nappes phréatiques. Elle est aussi responsable de la destruction de la biodiversité indispensable à la vie sur terre et représente un risque sanitaire avéré pour les agriculteurs et les consommateurs. La manne financière considérable générée par la commercialisation des semences et des produits phytosanitaires de synthèse chimique est entre les mains de quelques géants de l’agrochimie tels que Monsanto. Cette situation est maintenue pour servir avant tout leurs intérêts économiques et ceux de nos états au détriment de populations et de l’environnement. »

« De plus  l’agriculture familiale en Afrique subsaharienne représente 70% de l’emploi et nourri 80% de la population. Malgré des taux de croissance impressionnants dans de nombreux pays africains, c’est la seule région du monde où le nombre de ruraux vivant dans l’extrême pauvreté ne fait qu’augmenter. Fertiliser les sols, réintroduire la biodiversité, valoriser les processus biologiques et encourager l’agriculture paysanne familiale pour nourrir la planète sont les principaux enjeux de l’agriculture de demain. C’est une solution pour répondre aux enjeux liés à la souveraineté et à la sécurité alimentaire des populations, reconnue aujourd’hui par les principales organisations mondiales pour l’alimentation et l’agriculture telles que la FAO ou le PAM. »

Quels sont les défis auxquels sont confrontés les producteurs de la région de Toubab Dialaw, en particulier les femmes productrices sur la question du foncier et de l’exploitation des terres arables ? L’Etat est-il conscient de ces défis ?

« L’urbanisation tend à réduire drastiquement la disponibilité des terres arables dans la région ainsi que la vente des terres par les paysans à des particuliers. Les populations de Yenne vivent des ressources halieutiques qui, elles aussi, s’épuisent de plus en plus. Les femmes, traditionnellement maraichères, ont un accès très limité à la terre. Les terres sont vendues par les paysans car il n’existe aucune incitation ou création d’opportunités pour développer l’agriculture et valoriser les potentiels locaux. C’est n’est pas la priorité des autorités et pourtant le potentiel existe car la terre y est fertile. La ferme des 4 chemins en est un exemple probant car nous avons démontré qu’il était possible de pratiquer une agriculture diversifiée, propre, saine, écologique et d’obtenir d’excellents rendements. »

« Nous aidons depuis un an quatre GIE de la région à reprendre leurs activités maraichères. Elles sont 104 femmes sur une parcelle de 7000 m2 appartenant à la ferme. Nous les formons aux pratiques de l’agro-écologie et elles exploitent cette parcelle à leur compte pour nourrir leur famille puis vendre le surplus au marché du village et lors des marchés Biodialaw. Elles génèrent grâce à cette activité un revenu substantiel et en sont très heureuses. Les femmes jouent un rôle fondamental dans la nutrition et la sécurité alimentaire de la famille. Elles doivent être soutenues et formées pour accéder à la terre et contribuer  à l’amélioration des systèmes agricoles.  Les jeunes aussi doivent être sensibilisés et formés à ces nouveaux métiers d’écologiste-paysans, écologiste-agronomes car ce sont eux qui assureront la relève demain. »

Dit-nous en plus sur l’équipe qui  t’accompagne dans cette aventure.

« Nous sommes une équipe de cinq personnes à temps plein composé d’un responsable de la ferme et des formations, de trois jardiniers et d’une semencière. Quelques volontaires et stagiaires  nous sont également d’une grande aide. »

Quelle est ta vision pour le futur concernant le devenir foncier et agricole de cette région ?

« L’annonce récente de la création d’un port multifonction sur Yenne et Ndayane qui s’étendra sur 1800 ha illustre l’absence d’intérêt de nos autorités sur les questions liées à l’agriculture dans cette zone et sur les problèmes d’érosion côtière. Si ce projet se réalisait, il compromettrait gravement le futur de cette région sur les plans agricole, environnemental et social. » 

Un dernier mot à l’endroit des consommateurs désireux de manger plus sains tout en respectant l’environnement ? Il y a-t- il une date prévue pour la prochaine édition du marché Bio ?

« Je les féliciterai tout d’abord pour cette prise de conscience salutaire, surtout lorsque cette prise de conscience se traduit par des actes concrets. Manger sain est un droit et un choix responsable pour leur santé, celle de leurs enfants et pour notre environnement.  La troisième édition du marché Biodialaw aura lieu le 08 Juillet ! » Suivez l’actualité de la Ferme des 4 Chemins et de Biodialaw sur les pages Facebook dédiées.

 

Crédits Artwork – Claude Nda.

 

 

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