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Adapter la création graphique au digital

Adapter la création graphique au digital

/1- Benoit, quelle est la différence entre créer un visuel Print et un visuel sur Facebook ?

La grande différence c’est le mode de consommation du visuel. Par mode de consommation j’entends essentiellement la durée d’exposition du visuel. Un visuel imprimé a en général une durée de vie beaucoup plus longue. On va passer plusieurs fois devant un affichage urbain. On peut être assis plusieurs minutes devant une PLV. Une annonce presse peut rester ad vitam dans un magazine jusqu’à ce que le papier se désagrège complètement… La réalité d’un visuel Facebook est toute autre. Le terme de snack content est symptomatique de son mode de consommation : le temps d’exposition peut frôler les 1 à 2 secondes. On scrolle et on passe à autre chose. Au mieux on like ou on laisse un petit commentaire. Au pire, on fait défiler sans même le remarquer.  

Bien évidemment un DA doit être beaucoup plus appliqué dans un visuel Print qui va demander plus de recherche créative et plus de qualité de finition. Un visuel Facebook est souvent plus de l’ordre de l’illustration que de la publicité.  

La culture Internet fait que ce qui fonctionne le plus n’est pas forcément en relation avec la qualité graphique du visuel. L’important c’est la pertinence ou l’actualité de l’image produite. Le newsjacking ou les mèmes (éléments ou phénomène repris et déclinés en masse sur Internet.) faits par des infographistes amateurs sont des exemples parfaits de cet état d’esprit. Pour eux, peu importe la qualité du détourage ou de l’incrustation. Le moment où le visuel est publié est plus important que le visuel lui-même. L’important est de s’inscrire dans la conversation et de faire réagir.

Sur Instagram c’est un peu différent parce qu’Instagram est moins en relation avec l’actualité. Il y a une dimension plus esthétique sur les photos publiées mais on va retrouver cet esprit plus fun que graphique sur les stickers ou les vidéos filmées avec un téléphone sur les stories par exemple.

D’un point de vue technique, un visuel digital se travaille en 72dpi, c’est une définition écran qui ne demande pas vraiment de finesse dans le détail. Alors que sur un visuel print, le travail doit être méticuleux et précis. Une autre différence est aussi le temps de production à consacrer au visuel. Dans le cadre d’un planning Facebook, on doit produire énormément et rapidement, on est sur une dizaine de visuels par semaine et on doit les produire en 2 ou 3 jours. Mais dans d’autres modes d’expression du digital, on va retrouver l’exigence du détail, de la qualité de la prise de vue et de l’originalité du concept : les sites, plateformes, les espaces qui vont perdurer et tous les espaces de diffusion de visuels à caractère publicitaires. Sur Facebook, Il faut produire beaucoup de visuels. On ne cherche pas un concept à chaque image, mais chaque image doit être impactante et pertinente. Il faut être dans le moment.

//2- En Afrique le mobile est devenu le médium le plus important pour accéder à l’information. Quels sont les challenges à créer pour des écrans aussi petits ?

Le challenge est surtout quand tu adaptes des campagnes qui vivent à la fois sur du print, des ordinateurs et des écrans aussi réduits que ceux des smartphones. Même si la technologie du responsive design permet aux sites notamment de s’adapter à la variété des tailles d’écran, l’impact d’un visuel sur un écran de smartphone est un véritable défi à intégrer pour les DA.

En tant que publicitaire on entretient une image de marque pour un client que ce soit sur une affiche ou sur le digital. Chaque visuel doit à la fois répondre au contraintes de son format d’exposition, en l’occurrence un écran de mobile, et en même temps rester cohérent avec tous les autres supports visuels où la marque est présente.

En fait, tout va dépendre de la force de la charte de la marque pour laquelle tu travailles. Cette réflexion menée en amont va permettre au DA de produire vite et bien mais surtout de garder à chaque visuel l’identité de la marque.

Par exemple, sur Orange, notre charte d’illustration permet sur des petits formats d’être identifiable au premier coup d’œil à travers le style et les couleurs. Mais la charte Orange est aussi très précise sur les photos que la marque utilise pour communiquer. Et c’est très important car sur le digital, comme ailleurs, on sait que les gens sont plus sensibles à la photo qu’au dessin. Le dessin permet d’être plus facilement didactique. Mais Il y a souvent plus d’engagement sur les photos. Pour qu’une photo soit Orange on respecte quelques règles immuables : elle doit représenter un moment de vie pris sur le vif ; les personnages ne doivent pas regarder l’objectif ; elle doit avoir une belle qualité de prise de vue ; et elle doit être prise à distance de parole, Ces guidelines nous aident à être visible et cohérent même sur des petits formats avec des temps d’exposition très courts.

Pour répondre à la spécificité des usages via un écran mobile, une autre tendance s’impose : le motion design. Il faut faire bouger nos visuels : animations, boomerang, vidéo… Dès que l’image bouge, l’œil s’arrête. C’est une dimension à intégrer impérativement dans le travail du DA digital.

D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, la production de visuels destinés aux réseaux sociaux pour une marque demande une grande mobilisation de ressources. Si tu n’as pas les moyens d’embaucher une grosse équipe, Il faut un DA rapide qui maitrise le positionnement publicitaire de la marque mais qui est aussi aussi touche à tout :  capable de prendre des photos, faire une vidéo, donc gérer des lumières, faire un GIF, si possible un peu de dessin et pourquoi pas de l’animation, on arrête avant la 3D…

///3- Selon toi, au cours de ces dernières années quelles sont les évolutions créatives majeures que le Digital a apporté à la publicité ?

Ce que le digital a amené dans la réflexion publicitaire, c’est un espace de créativité infini. On est sorti des schémas stéréotypés et routiniers de la publicité où on était sur un spot TV, un visuel pour les affiches et un spot radio avec leurs contraintes de créativité mais aussi de production. Alors que sur le digital, le jeu devient différent. Non seulement on expose aux gens notre créativité et surtout le message qu’on veut faire passer, mais en plus, on veut les faire participer. On peut embarquer le consommateur dans une histoire, une aventure ou une expérience. On peut inventer de nouveaux systèmes de partage, de nouvelles émotions, de nouvelles relations. On peut vraiment créer des liens assez forts entre un consommateur et une marque. Le publicitaire réfléchit différemment avec le digital. Les seules limites que l’on a, sont toujours budgétaires, il ne faut pas se leurrer, et juridiques car il ne faut jamais oublier le droit à l’image des personnes, des photographes, des illustrateurs etc. Mais sinon, on a vraiment le sentiment qu’on peut tout faire et que tout reste encore à inventer.

On pense par contre encore trop souvent que le volet digital d’une campagne peut se mettre en place rapidement avec une bonne idée et peu de moyens. C’est une fausse idée ! Si on veut vraiment tirer parti de ce que le digital peut nous apporter il faut le mettre au centre de la réflexion et mettre les moyens qu’il faut pour faire aboutir une bonne idée. Par exemple le côté développement est encore sous-estimé en termes de moyen et de temps de réalisation. Une idée peut venir d’une nouvelle technologie. Qui dit nouveau dit du temps et des moyens de développement pour créer une expérience inédite. L’évolution créative majeure c’est vraiment qu’on est plus à sens unique. On doit penser à un pingpong permanent. Quel dialogue veut-on créer ? Quel engagement va-t-on susciter ? A quelle réponse inattendue se doit-on de réagir ?

Autant de questions qu’on ne se posait pas auparavant. Une dimension très intéressante sur nos marchés est le côté très décomplexé avec lequel nos cibles aiment interagir avec leurs marques. On l’a ressenti par exemple sur la campagne Orange co-construite avec les consommateurs pour soutenir l’équipe nationale de football à travers une plateforme où tout le monde pouvait poster des messages d’encouragement. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, de toutes les origines sociales, les gens ont tout de suite répondu présents et ont été hyper créatifs ! Le digital est un grand terrain de jeu créatif et collectif sans limite. Un terrain que l’on n’exploite pas encore assez et où l’on peut inventer des expériences à la fois nouvelles et très fraiches.

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